Il y a d'abord eu la solidarité : celle d'un « monde du football ligué contre le virus » pour reprendre les mots du président de la Fédération française de football, Noël Le Graët, tout un ensemble prêt à s'unir pour combattre un virus et sauver des vies. Ainsi, des stars ont versé leur obole à telle ou telle association, ont envoyé des messages de soutien aux différents acteurs de la vie quotidienne et ont arrosé les réseaux sociaux de leur bon cœur. Le Parc des Princes s'est même habillé aux couleurs « des combattants contre le COVID-19 » là où l'OM a mis le Véodrome et la Commanderie à la disposition des autorités. Puis, dans les bureaux, les dirigeants ont commencé à sortir les calculatrices, et certains ont commencé à trembler en découvrant la fragilité de leur modèle financier, notamment leur télé-dépendance, exacerbée par le conflit ouvert avec les diffuseurs. Le champagne débouché lors de l'accord avec Mediapro est déjà oublié.
La masse salariale seule fautive ?
Devant cette situation, la première réaction a alors été, évidemment, de se tourner vers la masse salariale des clubs, donc vers les joueurs, mais aussi les administratifs ou le jardinier, histoire de soulager la pression d'un inévitable déficit. En ça, le football professionnel possède un double « avantage » : les émoluments des joueurs représentent une somme considérable, et ces derniers - les joueurs - n'engendrent aucune empathie. Dans cette période, difficile pour eux qu'il en soit autrement quand, dans le même temps, le pays enterre ses victimes du virus, est confiné ou est maintenu grâce au travail énorme abattu par une cohorte de travailleurs précaires contraints de bosser malgré les risques de la situation actuelle. Tant de personnes - des supporters pour certains - qui ignorent d'ailleurs combien de temps encore leur salaire sera garantie au vu de la récession qui s'annonce. Il fallait donc de l'action concrète et, en France, un accord a été trouvé autour d'une baisse de salaire proportionnelle aux montants perçus par les joueurs de Ligue 1 et de Ligue 2 selon le barème suivant : si 70% du salaire brut mensuel du joueur est inférieur à 10 000 euros, sa rémunération restera intacte ; si ce pourcentage est compris entre 10 000 et 20 000 euros, baisse de salaire de 20% ; baisse de salaire de 30% pour ceux dont le pourcentage est compris entre 20 000 et 50 000 euros ; 40% entre 50 000 et 100 000 euros, et 50% au-delà de 100 000 euros.
Tous salariés ?
En Angleterre, au contraire, les joueurs pros ont clairement opposé leur refus à une diminution de salaire imposée. Il ne s'agit pas là d'une réaction égoïste. La preuve : les joueurs de Leeds ont renoncé à leurs revenus d'avril pour sauver le club et pour que les employés gardent leur travail. Le syndicat des joueurs britanniques craint plutôt que l'ensemble des patrons de clubs en profitent pour serrer la vis et utilisent le vent de panique actuel pour leurs propres intérêts. Résultat, les démarches ont été individualisées. Il est d'ailleurs amusant, en France, de voir les clubs pleurer pour recevoir leur part de droits télévisés pour des matchs qui ne vont pas se jouer tout en demandant un effort à leurs joueurs pour les mêmes raisons. Ces derniers pourraient, en outre, répondre que leur image et leur présence dans les médias ou les réseaux sociaux restent un atout pour leur employeur afin de faire valoriser leurs actifs (ici, le club).
Le bras de fer ne fait que commencer. La réduction, voire le contrôle, des salaires, avec toutes les incertitudes existantes sur une reprise des championnats, va ouvrir une période d'incertitude et de rapport de force avec, pour les dirigeants, l'argument de la menace d'une banqueroute et de la morale. Mais les joueurs doivent-ils pour autant servir de seule variable d'ajustement pour un système voulu et entretenu par les clubs, dont la période actuelle révèle les limites ? Les footballeurs ne sont-ils pas, après tout, les premières victimes d'un capitalisme qui ne veut pas renoncer à ses marges ? « Il faudra bien se poser tôt ou tard la question du temps de travail, des jours fériés et des congés payés pour accompagner la reprise économique » , expliquait récemment Geoffroy Roux de Bézieux, le président du Medef. Ce discours vise à faire porter le poids du redressement économique sur les épaules des salariés et a un goût de culpabilisation collective – en gros, vous ne foutez rien en ce moment. Il a peut-être aussi comme symbole nos camarades à crampons.
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