L’UEFA, la LFP, tout le monde s’accorde à considérer en premier lieu la santé des joueurs, et non les impératifs économiques. Ces derniers jours, l’Union nationale des footballeurs professionnels (UNFP) s’est positionnée franchement en révélant que la plupart des footballeurs évoluant en Ligue 1 étaient opposés à un retour au jeu cette saison. « Renonçons à une reprise du championnat dans ces conditions. Reprise qui serait précipitée et dangereuse. Il me semble plus raisonnable, plus juste et plus vertueux de faire, aujourd’hui, le choix de la raison, pour que demain nous puissions à nouveau faire celui du cœur », dixit son président Sylvain Kastendeuch dans une interview accordée au Monde.
La priorité de la Ligue demeure néanmoins la reprise des débats. Dès la mi-juin si possible. Le Bureau de la LFP tablant toujours sur ce calendrier et prévoyant un retour des joueurs à l’entraînement la fameuse semaine du 11 mai, celle du déconfinement annoncé. Cela « pour effectuer un bilan médical complet (cardiologique, virologique et psychologique), ainsi que des tests PCR, puis un suivi médical quotidien, qui sera détaillé dans le protocole finalisé d’ici la fin du mois d’avril ». Les joueurs pour autant auront-ils le choix ? Pourront-ils émettre des réserves voire faire valoir leur droit de retrait s’ils s’estiment menacés ? Rien n’est moins sûr…
« Tout dépend de la situation du joueur, note Thierry Granturco, avocat aux barreaux de Paris et Bruxelles spécialisé dans le droit du sport. Un joueur dont le contrat court au-delà du 30 juin a l’obligation contractuelle d’aller au bout du championnat. Il sera toujours employé de son club au 1er juillet, donc les questions réglementaires du prolongement de la saison ne le concernent pas directement. La seule possibilité pour lui de ne pas jouer, c’est le fameux droit de retrait s’il considère que sa santé est en danger, comme dans tout autre métier. En revanche, un joueur en fin de contrat au 30 juin, supposé libre à cette date, est tout à fait en droit de ne pas poursuivre sans modification des textes de la LFP. Dans n’importe quel autre secteur, on pourrait se dire qu’on fait un avenant, qu’on prolonge simplement le contrat de x mois, seulement en football ces avenants, réglementairement, n’existent pas. Cela suppose donc que la LFP et la FFF votent rapidement un changement de leurs règles. La Fifa a déjà pris les devants en validant la possibilité de modifier la durée des contrats et la période des transferts. La porte est ouverte pour que les ligues nationales puissent avoir recours à de tels avenants mais à l’heure actuelle, aucune proposition concrète n’est sur la table de la LFP… »
Des joueurs sur le carreau ?
Pour les footballeurs qui ne sont pas en fin de contrat, couper court à cet exercice 2019-2020 paraît donc illusoire. Voire risqué. « Le droit de retrait est compliqué à mettre en œuvre, prévient Maître Granturco. Un joueur ne peut pas se contenter de dire qu’il a décidé de rester chez lui par peur de tomber malade. Si les autorités sanitaires françaises estiment qu’il est possible de reprendre le jeu, le droit de retrait sera quasi impossible à défendre. Un joueur pourra toujours y prétendre mais son club pourra de son côté faire constater un abandon de poste. Si le droit de retrait n’est pas justifié, cela peut aller jusqu’au licenciement pour faute grave. L’employeur peut tout à fait moduler sa sanction. On peut imaginer par exemple une suspension du salaire pour la période concernée mais certains joueurs risquent assurément de se retrouver sur le carreau. L’UNFP doit donc faire attention. Le droit de retrait peut se justifier en période de flou total mais à partir du moment où le gouvernement fixe un cadre clair à la pratique de l’activité professionnelle – huis clos et tests systématiques des joueurs par exemple pour ce qui est du sport – cela ne tient plus. »
Seule issue possible pour les mutins décidés: une faute de l’employeur, à l’heure où les clubs cherchent à baisser les émoluments de leurs joueurs. « Les footballeurs restent en position de force, souligne Thierry Granturco. En droit du travail, il y a ce qu’on appelle les conditions substantielles du contrat. Ces conditions ne peuvent pas être modifiées unilatéralement. Parmi celles-ci figure évidemment le salaire. Un club qui voudrait imposer une baisse de salaire à un joueur permettrait à ce dernier de considérer cela comme un acte de rupture au tort exclusif de l’employeur. Le joueur deviendrait donc libre. C’est pour cela que les clubs négocient à l’heure actuelle, ils ne peuvent pas passer en force sinon ils sont cuits. »
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