À l’image de la plupart des secteurs économiques, le football français est lui aussi touché par la crise de recettes résultant de l’épidémie de coronavirus. Alors que Canal+ et beIN ont décidé de bloquer les derniers versements des droits TV – dont le total représente en moyenne un tiers du budget des clubs –, de grandes incertitudes entourent des clubs comme Lille et Monaco, dont le modèle est essentiellement basé sur le trading de joueurs – le CIES (Centre international d'études sportives) a annoncé que le prix des joueurs pourrait baisser de 28% si aucun match n'était joué d'ici fin juin – ou des équipes comme Marseille ou Bordeaux, déficitaires ces dernières saisons et dépendantes d’un actionnaire unique qui pourrait réduire la voilure ou, dans le pire des cas, se désengager purement et simplement du club.
Des conséquences qui varient selon les clubs
Face à ces nombreuses zones d’ombre qui mettent en péril l’équilibre économique des clubs, il est intéressant de constater la plus grande résilience des modèles de Brest et de Strasbourg, qui s’appuient notamment sur un réseau diversifié de partenaires locaux (le Stade brestois est soutenu par 500 entreprises bretonnes dont le groupe Le Saint) et un stade toujours plein (le taux de remplissage de Francis-Le Blé et de la Meinau approche les 95% ; seul le PSG fait mieux). L’impact en cas de non-versement des droits TV restants serait plus limité pour ces clubs (le manque à gagner serait de 1,5M d’euros pour Brest et de 2,5M pour Strasbourg contre 13,5M d’euros pour Marseille), et le président breton Denis Le Saint est d’ailleurs le seul dirigeant de Ligue 1 à s’opposer à une reprise du championnat. Si le cas des deux clubs souligne la plus grande stabilité des modèles avec un ancrage local fort, s’appuyant sur un public et des investisseurs plus fidèles que des fonds et moins volatiles que le prix des joueurs, leur stratégie semble difficilement transposable aux clubs voulant rivaliser sur le plan européen, et il est compliqué d’envisager un retour des clubs français à une stratégie faisant la part belle au « local » , alors que le débat lié à ce mot un peu fourre-tout surgit dans la plupart des secteurs économiques.Économiste spécialisé dans le sport, Jean-Pascal Gayant souligne en effet que les clubs français continueront vraisemblablement à s’appuyer principalement sur les droits TV, « dont les recettes sont bien supérieures à celles issues de la billetterie » , qui ne compte que pour 8% des recettes d’un club en moyenne. Avec l’arrivée de Mediapro, les montants des droits sont appelés à exploser – si le groupe parvient à tenir ses engagements sur la période 2020-2024 – et il est, dans ce contexte, malheureusement difficile d’envisager une programmation des matchs favorisant les spectateurs au détriment des téléspectateurs du monde entier. De plus, en cas de chute du prix des joueurs et du départ de certains actionnaires dans les clubs, il se pourrait que la crise « agrandisse le fossé entre les quelques grandes "franchises" pour la plupart favorables à une ligue européenne fermée » et ceux qui cherchent à les rattraper au prix de stratégies risquées, plus qu'elle n'annonce un retour d'une coopération généralisée entre entreprises locales et clubs de football. Le refus de Peugeot de venir à la rescousse cet été du FC Sochaux – un club que la marque au lion avait pourtant contribué à créer dans les années 1920 – montre ainsi que le soutien des entreprises aux clubs de football de leur région d'origine n'est plus une évidence pour nombre d'entre elles aujourd'hui.
Nenhum comentário:
Postar um comentário