Dans les rues ensoleillées, mais forcément désertées de Bastia, la frustration ne peut s'observer ou s'entendre. Pourtant, ce sentiment a bien pris place à côté de l'appréhension et de la tristesse déjà présentes au vu de la crise sanitaire actuelle. Car si les places en réanimation dédiées au coronavirus attendent pour leur moment encore les patients en espérant ne pas se remplir, une figure de la ville vient de perdre son combat contre une autre maladie qui avait débuté bien avant le commencement de la pandémie : Paul Natali est décédé à l'âge de 86 ans ce mardi, et les innombrables personnes qui auraient voulu lui offrir un adieu sincère n'ont pas pu en raison des mesures de confinement dues au contexte actuel.
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« C'est plus que regrettable, oui. Tous ces gens qui souhaitaient lui dire au revoir, mais qui n'ont pas pu lui rendre hommage pendant la cérémonie... C'est dur de ne pas avoir le droit de manifester son affection, dans ces moments-là, atteste Loïc Capretti, secrétaire adjoint du mouvement Socios Étoile Club Bastiais. Nous, les supporters, on aurait bien évidemment fait quelque chose en son honneur au stade si le football était encore d'actualité. »
Politique, économie et sport
En Corse, et plus particulièrement en Haute-Corse, Paul Natali n'était en effet pas n'importe qui. « On parle d'un des hommes les plus importants de l'île, hein. D'un point de vue politique, économique ou sportif, reprend Loïc, véritable encyclopédie vivante du Sporting Club de Bastia. C'est quelqu'un qui avait une renommée très saine, son décès a affecté tout le monde. » Notamment les amateurs de football, qui voient dans le visage du regretté celui du président du Sporting période 1973-1978 avant de devenir plus tard sénateur. « Sa vie peut être résumée en une phrase : il a fait briller tout ce qu'il a touché » , admire son ami Gaby Pasquali, d'une voix teintée d'émotion.Le foot n'a pas fait exception à la règle, puisque le monsieur était le patron de Bastia quand a eu lieu la célèbre épopée européenne achevée en finale contre le PSV Eindhoven dont il a même été à l'origine. « Il voulait un groupe qui tienne la route au niveau continental, alors il a construit une équipe de vedettes mondiales » , témoigne Charles Orlanducci, défenseur à l'époque et lui-même président entre 2006 et 2010. « Grâce à ses contacts et ses arguments solides présentant un projet parfait, il a littéralement tout créé en faisant venir des stars, corrobore Gaby Pasquali. Attirer Dragan Džajić ou Johnny Rep, c'était comme recruter Lionel Messi ! On ne se rend pas bien compte, aujourd'hui. » Confirmation de Loïc, qui n'était pas né en 1978 : « Même les plus jeunes savent qu'il a bâti cette dream-team. Il fait partie des figures du club, et des noms qui ressortent quand on évoque l'épopée. »
Président parfait, ou président normal ?
Mais qui était vraiment Paul Natali ? « Un amoureux de la Corse respecté et respectable, qui menait à terme tous ses plans pour le bien de la région et qui s'est personnellement investi financièrement dans le club alors qu'il aurait pu vivre très confortablement sans rien faire. Un homme discret, humble et fidèle, comparable à Louis Nicollin dans la passion sans le côté fantasque » , selon Gaby Pasquali. « Un président de haut niveau, intelligent, capable de gérer son club comme son entreprise de bâtiment en prenant individuellement des risques économiques, qui a fait évoluer le foot corse et qui ne s'enflammait pas. Parce qu'il savait rester calme, et contrôler ses émotions en toutes circonstances » , d'après Charles Orlanducci.Difficile, en réalité, de trouver un discours plus nuancé, voire négatif. Il faut dire que l'ex-boss faisait l'unanimité, dans l'univers du ballon. « Il se montrait proche de nous et accessible, on pouvait presque le tutoyer, rembobine Charles Orlanducci. Il faisait tout pour qu'on ne prenne pas la grosse tête, il nous imposait une certaine modestie. Il se faisait présent et venait nous parler dans les vestiaires lorsque les choses n'allaient pas, mais il savait rester à sa place. » Offrant toute sa confiance du terrain au tandem du banc Pierre Cahuzac-Jules Filippi, ses hommes de confiance, le successeur de Victor Lorenzi n'imposait que deux choses : le respect aux valeurs corses, et les résultats.
Les contrats... et la Mercedes
« C'était également quelqu'un de très fiable, qui essayait toujours d'arranger les choses, continue encore Charles Orlanducci. Je n'ai jamais entendu parler de quelconque problème à propos des contrats, il suffisait de tomber d'accord oralement et sa parole prévalait. » Détenteur de la plus grosse boîte de BTP de l'Île de Beauté dans les années 1980-1990 et président des Chambres de commerce et d'industrie de la Haute-Corse en 1985, Paul Natali a donc réussi à faire rêver comme jamais les fans bastiais tout en s'offrant un parcours politique et économique ascensionnel.Impossible de le prendre à défaut, alors ? « En fait, je me souviens que lors du voyage en Italie pour le match contre le Torino, il était venu avec sa Mercedes, amorce mystérieusement Gaby Pasquali. En arrivant, il avait demandé où il devait garer sa voiture au personnel de l'hôtel. Ce dernier lui avait répondu qu'il pouvait la laisser devant, sans problème. Et le lendemain, la voiture n'était plus là... L'hôtelier l'avait cachée, et Paul est tombé en plein dans le piège ! C'est bien la seule fois qu'il s'est fait avoir, on en rigolait encore il y a peu... » De quoi retrouver un peu le sourire.
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