quinta-feira, 2 de abril de 2020

DESCHAMPS : « NE JAMAIS FAIRE DE PROMESSES »

Qui n'a jamais rêvé d'entrer dans la boîte noire du football moderne et de maîtriser, enfin, l'art de diriger un club de foot ? Décrypter les histoires des plus grands sans tomber dans des discussions de comptoirs ? Journaliste sportif de formation et directeur de l'agence Soccernomics qui conseille des clubs de foot dans l'amélioration de leurs performances, Ben Lyttleton a publié un livre évènement qui sort en France ce mois-ci : Manager United, la science du leadership par les stratèges du foot. Au travers de ses rencontres avec des entraîneurs, dirigeants, présidents et autres acteurs des plus grands clubs (Barcelone, Liverpool, Ajax, Chelsea, Leipzig...) et sélections (Angleterre, Pays-Bas, France...), l’écrivain anglais nous plonge dans le monde des innovations du football. So Foot publie ici en avant-première quelques bonnes feuilles, avec des vrais morceaux de Thomas Tuchel et Didier Deschamps. Entre autres.



Je lui demande alors s’il s’est mis en tête de réinventer le football. « Non, pas du tout. Je ne cherche pas à réinventer le football. Ça voudrait dire que je modifie des choses au nom du changement. Je ne cherche pas à changer quoi que ce soit. Je cherche seulement à progresser. » Il évoque le P.D.G. de Mercedes, Dieter Zetsche, qui comparait le monde de l’entreprise à la remontée d’un escalator à contresens. Si l’on reste immobile sur les marches, on descend. Si l’on marche à une certaine vitesse, on reste au même niveau. Le mieux, c’est donc de courir. « On doit s’adapter, explique Tuchel. Ça n’a rien à voir avec le fait de réinventer. C’est une question d’adaptation continue, un mouvement perpétuel qui permet de trouver des solutions plus vite que les autres. » [...]

Au terme de la première saison de Tuchel à la tête de Mayence, elle a terminé à la neuvième place du championnat, la plus haute qu’elle ait atteinte jusqu’ici. L’année d’après, alors que tout le monde les donnait victimes du « syndrome de la deuxième saison » et partis pour la relégation, ils ont remporté leurs sept premiers matchs et atteint la cinquième place, se qualifiant ainsi pour la Ligue Europa. La saison suivante fut plus difficile, et Mayence termina le championnat en treizième position. L’équipe n’est jamais descendue jusqu’à la seizième place (synonyme de relégation si l’équipe qui s’y trouve échoue face à l’équipe classée troisième du championnat de deuxième division). Durant les cinq années de mandat de Tuchel, seuls les quatre meilleurs clubs allemands (Bayern Munich, Borussia Dortmund, Schalke et Bayer Leverkusen) ont engrangé plus de points que son équipe 1.

« Lorsqu’il a voulu qu’ils arrêtent de se tirer le maillot en position de marquage, il les a fait jouer avec des balles de tennis dans les mains »

Selon l’analyse de Tuchel, Mayence a copié-collé la manière dont s’entraînaient les autres équipes et expérimenté différents systèmes de jeu, auxquels les joueurs ont dû constamment s’adapter. Ce qui leur a permis de comprendre intuitivement ce qu’on attendait d’eux. « On a voulu mettre de la fluidité dans notre jeu. Ajoutée aux plans de jeu un peu éculés de nos adversaires, la volonté de mes joueurs d’évoluer à différents postes et selon différents systèmes nous a permis de prendre l’avantage sur ces équipes. » Mayence fut également le lieu d’une rencontre décisive dans la formation de Tuchel, après que le club a approché l’université locale pour analyser les capacités d’endurance et de sprint des joueurs. « J’ai présenté les résultats des sprints à M. Tuchel et à son staff, puis nous avons discuté plusieurs heures des effets bénéfiques qu’un entraînement différentiel pouvait produire en comparaison d’un entraînement technique et tactique, raconte Wolfgang Schöllhorn, chercheur en sciences du sport à l’université Johannes-Gutenberg. Juste après notre rencontre, il a mis en pratique quelques-unes de mes suggestions lors de ses entraînements. » Ainsi, lorsqu'il a voulu apprendre à ses joueurs à lancer des contre-attaques en diagonale sur le but adverse, il les a fait jouer sur un terrain délimité en forme de diamant. Lorsqu’il a voulu qu’ils arrêtent de se tirer le maillot en position de marquage, il les a fait jouer avec des balles de tennis dans les mains. Son truc, c’est de résoudre les problèmes. C’est un querdenken, l’expression allemande qui définit la réflexion hors des sentiers battus.

Dans ce chapitre, nous reviendrons sur d’autres techniques d’apprentissage différentiel. « Ça m’a beaucoup influencé. Ça a complètement modifié mon rôle d’entraîneur, explique Tuchel. Avec ces techniques, on ne se pose plus la question de savoir qui a tort et qui a raison. On ne peut pas se tromper. Mon rôle, ce n’est pas de leur dire ce qui est bien et ce qui ne l’est pas. Je suis juste responsable des tactiques et de nos principes de jeu, à travers lesquels c’est à eux de trouver leurs propres solutions. » Tuchel est un expert dans l’analyse des oppositions et les conseils donnés aux joueurs pour qu’ils utilisent au mieux l’espace afin de se créer des occasions de tir. « Je peux vous trouver les espaces, mais c’est à vous de trouver les solutions. »

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