On ne sait pas si le président rwandais Paul Kagame a vu dans les partenariats avec Arsenal et le Paris Saint-Germain un potentiel important de supporters le plus souvent déçus dès le mois de mars – voire avant – et donc ensuite libres de partir en vacances dans son pays. Qu’importe, cela fait maintenant plusieurs mois que « Visit Rwanda » s’affiche sur le maillot des Gunners et depuis début décembre sur les maillots d’entraînement du PSG, ainsi que sur les panneaux publicitaires du Parc des Princes, où les spectateurs pourront aussi déguster thé et café rwandais à la buvette.
Signé en présence de l’ambassadeur du Rwanda en France, le partenariat entre le club de la capitale et le pays africain devrait rapporter entre huit et dix millions par an au PSG. S’il peut paraître novateur, ce partenariat entre un pays africain et un club européen ne l’est pourtant pas tant que ça. Et bien avant l'éphémère idylle entre le FC Metz et le Tchad (2016-2017), la Côte d’Ivoire faisait déjà la promotion de son café sur le maillot des Girondins de Bordeaux. Bienvenue dans la saison 1973-1974.
Les dirigeants ne mettent pas de Vittel dans leur vin
Dans la lignée de l’entrée du petit écran dans les foyers européens durant les années 1960 et du développement de la diffusion télévisuelle des matchs, les sponsors font progressivement leur apparition sur les maillots des joueurs, et la France ne fait pas exception. En 1968, l’ancêtre de la LFP signe un accord avec Vittel, qui stipule que le nom de la marque doit figurer sur les maillots de toutes les équipes de première et deuxième divisions. Les Girondins de Bordeaux refusent cependant de porter sur leur maillot le nom d’une eau minérale, et ce désaccord amorce par la suite des discussions entre les clubs français. D’un côté, les partisans de contrats de sponsoring collectifs gérés par la Ligue – dans le but de maximiser les revenus de l’ensemble des clubs –, de l’autre, ceux qui préfèrent les actions individuelles et qui vont finalement avoir le dernier mot. Quelques années plus tard, le café se rapprochant manifestement plus du vin que l’eau pour les dirigeants bordelais, le Café de Côte d’Ivoire devient le premier sponsor de l’histoire des Girondins.« Un Giresspresso s’il vous plaît... »
Fini le traditionnel scapulaire sur le maillot marine et blanc, le jeune Alain Giresse, Jean-Pierre Tokoto ou encore Jean Gallice sont pour une saison les ambassadeurs du pays de Félix Houphouët-Boigny. Initié par celui qui a présidé la Côte d’Ivoire de 1960 à 1993, le partenariat est révélateur de la stratégie de développement choisie par le pays lors des années 1960 et 1970. Un modèle avant tout basé sur les exportations de matières premières telles que le café ou le cacao – de plus en plus consommés dans les économies occidentales où le niveau de vie augmente – et largement soutenu par l’État, qui a assoupli le code des investissements – facilitant l’arrivée de capitaux étrangers et permettant de rapatrier jusqu’à 90% des bénéfices – et investi dans des infrastructures telles que le port de San Pedro ou dans la construction du quartier d’affaires du Plateau à Abidjan. Premier producteur de cacao et 3e producteur de café dans le monde lors des années 1970, la Côte d’Ivoire voit son modèle érigé en exemple en Afrique : on parle alors du « miracle ivoirien » .Si la présence de « Café de Côte d’Ivoire » sur le maillot des Girondins a pu contribuer à populariser le café auprès des Français et est précurseur dans son genre, difficile de ne pas y voir un symbole de la proximité toujours très forte entre les dirigeants ivoiriens et la France, assumée par « le Sage » , qui aurait d’ailleurs été le premier à utiliser le terme « Françafrique » . Le partenariat initié par la présidence en personne traduit également l’omniprésence des grands propriétaires de plantations dans les élites politiques du pays. La rente des matières premières va d’ailleurs largement leur profiter – comme en témoigne la fortune personnelle colossale d’Houphouët-Boigny – au détriment d’investissements suffisants pour diversifier l’économie ivoirienne. Ce phénomène va d’ailleurs accentuer la crise des années 1980, causée par la brutale chute du prix des matières premières, et contribuer à exacerber les tensions entre les Ivoiriens et leurs élites. En attendant, le sponsor ne restera sur le maillot marine et blanc qu’une seule saison, et le café n’aura visiblement pas été assez efficace pour réveiller les Girondins : Bordeaux termine cette saison-là à la quatorzième place du championnat.
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